17 juil. 2009

Le Bon, les Brutes et les Truands


Après cette courte semaine de répit, pendant laquelle les fugitifs ont exploré les secrets de l'île de Kyushu, me voici donc rappelé en renfort pour une nouvelle mission. Il faut dire que les bougres ont prévu un weekend chargé. Pour commencer les festivités, rien de moins que le Nagoya Basho, un des 6 tournois majeurs de Sumo de l'année. Les autres Honbasho ont lieu à Tokyo (Janvier, Mai et Septembre), Osaka (Mars, donc arrivé trop tard) et Fukuoka (Novembre). Pour un aperçu d'une journée au Natsu Basho 2009 à Tokyo, allez donc jeter un coup d'oeil sur le blog de mon compatriote Lastiko.


Un Honbasho dure environ 15 jours, et nous en sommes ici à la fin de la première semaine. Pour ne rien rater des cérémonies traditionnelles, nous nous pointons aux aurores. Evidemment, nous sommes les premiers sur place mis à part quelques Gaijin aussi bien renseignés que nous :D. La salle est absolument superbe, avec le dohyô central et les gradins rouges satinés de violet qui l'encadrent.

Le Aichi Prefectural Gymnasium de Nagoya au petit matin, avant l'invasion du public.

Dans ce genre de compétition, une journée typique commence toujours avec des combattants de niveau intermédiaire, les Jûryô. Le niveau des Rikishi (nom donné aux lutteurs au Japon, ceux qu'on appelle à tort Sumotori) s'élève au cours de la journée jusqu'à voir arriver les Makuuchi, et peut être même certains Yokozuna (le rang suprême). C'est finalement une bonne chose d'être arrivé si tôt. La salle est vide, on peut facilement s'approcher à quelques mètres du ring et vivre pleinement les combats (et aussi prendre des belles photos :D).

Deux jeunes combattants (Jûryô), se préparent au combat sous l'oeil attentif de l'arbitre (Gyôji) et des juges (Shinpan).

En approchant le dôme d'argile (dohyô), on peut vivre pleinement le combat et assister à des chutes souvent spectaculaires ...

... voire même dangereuses pour ceux qui s'en approchent trop !

Le niveau n'est peut-être pas des plus fulgurants, mais nos yeux de néophytes ne font pas la différence. Cela nous permet au passage de nous familiariser avec les règles et autres cérémonials qui précèdent et suivent chaque combat.

Avant l'entrée en scène des lutteurs, le yobidashi (sorte de crieur public) apelle les opposants à se présenter sur le dohyô (ring) avec son grand éventail, en annonçant leur nom, grade, pays d'origine et nom d'équipe.

Avant le combat, on assiste à un étrange ballet de rituels shinto afin de préparer mentalement les Rikishi au choc du combat. En premier lieu, plusieurs Shiko, grand écran écart jambe en l'air en appui sur l'autre jambe, avant de se laisser retomber de tout son poids sur le sol pour chasser les mauvais esprits. Ca paraît pas sorcier, mais essayez vous verrez c'est pas facile !

Le Shinko, préparation physique et mentale au combat, chasse les mauvais esprits et fait surtout trembler le dohyô et les spectateurs.

Ensuite, on assiste (mais pas toujours, ça doit dépendre des lutteurs) à un autre cérémonial où le lutteur reçoit une coupelle d'eau de la part d'autres combattants, avec laquelle il se rince la bouche avant de se sécher avec une feuille de papier. Puis le lutteur jette une poignée de sel sur le sol en argile, avant de s'accroupir face à l'adversaire en présentant ses paumes vers le ciel tout en le fusillant du regard, un peu comme pour dire "regarde j'ai pas de bâton ni de tazzer, je vais te battre comme un homme, un vrai".

Attendez c'est pas fini ! Le processus se répète plusieurs fois, toujours interrompu par le Gyôji (arbitre) qui annonce avec son éventail que le combat ne commence pas encore. On sent la tension monter entre les Rikishi au même rythme que l'impatience du public. Finalement, l'éventail se lève. Le combat commencera quand les 4 poings seront posés au sol. Un poing, puis deux, trois et ..... quatre le combat commence enfin !

Attention, on ne rigole pas avec les règles ! Un Rikishi qui se lance au combat avant que les quatre poings soient au sol risque 10.000¥ d'amende !

Les règles du combat sont très basiques. Tout lutteur qui touche l'intérieur du cercle sacré avec autre chose que la plante des pieds, ou sort du dit cercle, est éliminé. Même si certains combats sont spectaculaires, la plupart ne durent guère plus de 5 secondes ! Vous l'aurez compris, on a beau se passionner pour le long cérémonial des premiers matchs, le 154 ème commence à être lassant, et la frustration laissée par des combats de 3sec après 10 min d'attente est palpable.

Que nenni, le plaisir est entretenu par les différentes animations tout au cours de la journée ! Après avoir snobbé les catégories inférieures toute la matinée, le public et la télé se pointent sans vergogne vers 15h. Après avoir presque caressé le dohyô, il est maintenant temps de regagner nos gradins à 4000¥ tout en haut du palais. La salle se remplit peu à peu pendant les combats de Jûryo et l'ambiance atteint son apogée avec le Musuchi-no-ichiban (dernier match de la journée). Entre temps, on assiste au Makuuchi dohyô-iri, cérémonie de présentation des lutteurs de la plus haute division. Les Makuuchi, vétus d'un grand tablier haut en couleur, paradent en cercle sur le dohyô.

Le Makuuchi dohyô-iri ou la parade des Makuuchi

Malheureusement, aucun Yokozuna n'est programmé aujourd'hui, nous n'aurons pas la chance d'assister à leur cérémonie d'accueil, le Yokozuna dohyô-iri. Tant pis !

Entre temps, nous en avons profité pour nous installer dans un des box plus près des combats (et plus chers aussi ;D), vu que certains sont encore vides et ne se rempliront probablement plus. Les box sont des enclos où on peut s'installer à 4 assis sur des coussins. Les Japonais y viennent pour passer la journée entre amis où en famille, et ramènent tout se qu'il faut pour se mettre bien. C'est marrant d'ailleurs, beaucoup ne prêtent aucune attention aux matches, un peu comme s'ils mangeaient chez eux devant une télé allumée que personne ne regarde. Au Japon, aller voir des combats de Sumo, c'est surtout un prétexte pour passer un bon moment ensemble et s'adonner au kuidaore, le délice épicurien de jouir sans limite des plaisirs de la table :D.

Les matchs s'enchaînent, l'ambiance devient de plus en plus électrique. Des groupies (souvent des ados ou des mamies) s'égosillent à l'arrivée de leur chouchou. Nous aussi, on se met à brailler quand on voit arriver un Gaijin (étranger). Bon il se fait sortir direct, mais c'est bien tenté quand même. On apprendra plus tard que c'était le bulgare Kotooshu, qui n'est personne d'autre que le futur vainqueur du tournoi !

Un des lutteurs Makuuchi en train de se faire corriger. Attention dessous, ça va faire mal !

Après une heure effrénée de défilement de stars et de matchs endiablés, la fin de journée approche. Un gars devant nous, bien bourré apparemment, se met à balancer des coussins dans tous les sens. On se dit que c'est juste un ivrogne qui fout le b****l, mais on apprendra plus tard que c'est un geste classique des supporters déçus par la défaite de leur Rikishi favori ...

Le jeteur de coussins fou, peu après la défaite de son Rikishi préféré.

Enfin, le Yumitori-shiki (danse de l'arc) vient clôturer une journée riche en émotions.

Voila chers lecteurs, vous connaissez maintenant l'histoire du Bon parti voir les Brutes avec les Truands. Le Bon vous donne d'ailleurs rendez-vous très prochainement pour la suite d'un week-end haut en couleur :D


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Pour avoir plus d'infos sur le Nagoya Basho ou le Sumo en général

:: le site officiel du Japon (anglais) ::
:: un site non officiel bien fait (français) ::
:: la page Wikipedia ::
:: le glossaire ::
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14 juil. 2009

Le bouquet final

Ce matin, j'ai reçu un courrier des deux malfrats de la Boulouris Connection, dont voici les grandes lignes :


Le pillage du Sud d'Osaka s'est déroulé sans encombre. Les habitants de Shirahama ne sont pas près de nous oublier, autant que notre peau n'est pas prête d'oublier leur soleil. L'heure est venue de nous diriger vers l'Est. Nous ferons escale à Nagoya pour le Basho (compétition de Sumo ndlr), avant de prendre d'assaut la capitale. Nous serons alors fin prêts pour notre ultime attaque, la prise du Fujiさん (Mont Fuji ndlr). Comme tu peux sans doute l'imaginer, ce week end s'annonce comme le bouquet final de notre feu d'artifice nippon. C'est pourquoi il nous faut la meilleure couverture médiatique possible. C'est pourquoi il nous faut Ponyo.
La Boulouris Connection

A quoi était joint un billet pour le direct de 07:10 pour Nagoya, vendredi matin. Il ne me reste qu'à convaincre le boss de m'accorder ma journée. Mais quand on négocie avec des terroristes depuis des semaines, négocier avec son patron devient un jeu d'enfant :D.

!東京、すぐ行くよ !

12 juil. 2009

Au calme à Shikoku (part II : piégés à Naruto)



Notre périple nous conduit donc directement à Naruto, petite ville à la jonction des îles Honshu et Shikoku. Première mission : trouver un hôtel. J'avais certes réservé un ryokan, mais après réflexion un logement plus économique serait le bienvenu. Le coin autour de la gare ne fait pas très envie, les hôtels non plus ... ça fait un peu banlieue nord de Mulhouse. On finit par trouver un business hotel dont les prix ont l'air correct. Seulement le type de l'accueil a décidé de nous faire galérer. Vous savez le genre qui percute pas, et qui vous amène à croire que vous parlez japonais comme une vieille m****, alors qu'en fait il lui manque juste quelques neurones ? Bah c'est celui là. Bon finalement on s'en sort plutôt bien, avec un discount (9.000 ¥à trois) parce qu'il manque les draps sur un des lits. Après s'être royalement restauré dans un izakaya du coin, retour à l'hôtel pour une bonne nuit.


Sous un soleil de plomb, on part le lendemain à l'assaut des fameux tourbillons de Naruto. Kézako ? En dessous du pont O-naruto, les marées de l'océan Pacifique et de la mer intérieur Seto se croisent et forment des tourbillons qui - paraît-il - seraient parmi les plus impressionnants du monde. Le pic est à 14h30, juste de quoi y aller tranquillement, casser la croûte et piquer une petite tête dans le Pacifique pour se rafraîchir. Le moment M vient, direction le pont. Une plate-forme piétonne (Uzo no michi) a été installée en dessous de la route pour permettre de voir les tourbillons à travers une vitre au sol, à 45m au dessus de l'eau. Et la c'est vraiment .... la grosse déception. On voit juste un mer agitée, quelques mini-bribes de commencement d'amorçage de début de tourbillons, et pis c'est tout. La foule est au rendez vous, pas les tourbillons. Voila quand même quelques photos fortement zoomées dans le but de tromper l'oeil humain :

la photo Wikipedia ...

... et la photo Ponyo !

Ils décident de redescendre non pas en bus cette fois, mais à pied en longeant les plages. On passe devant le musée Otsuka, le plus large du Japon (keskifou à Naruto ?!!?) où on peut voir des copies d'oeuvres occidentales célèbres, genre le plafond de la chapelle Sixtine. En face se trouve un magnifique resort, un genre de Club Med dans le style nippon, mais leurs tentatives de squat sont vaines. Direction les plages, qui sont curieusement vides pour un dimanche ensoleillé. Deux raisons à ça; la première est que les Japs n'aiment trop rester longtemps au soleil, donc à 17h il n'y a plus un chat; la deuxième tient en un mot : méduses.

Voili voilou, un bon petit week-end s'achève, loin des bruits et des tracas des grandes métropoles. Mes ravisseurs ont encore bien d'autres projets, dont vous devriez avoir des nouvelles d'ici peu. Pour moi l'heure est venue de retourner à la vraie vie, celle du réveil à 7h pour aller bosser. Mais je dois avouer que je commence peu à peu à prendre goût à cette vie de hors la loi :D Serais-je en train de devenir un fugitif ?