Un Honbasho dure environ 15 jours, et nous en sommes ici à la fin de la première semaine. Pour ne rien rater des cérémonies traditionnelles, nous nous pointons aux aurores. Evidemment, nous sommes les premiers sur place mis à part quelques Gaijin aussi bien renseignés que nous :D. La salle est absolument superbe, avec le dohyô central et les gradins rouges satinés de violet qui l'encadrent.
Le Aichi Prefectural Gymnasium de Nagoya au petit matin, avant l'invasion du public.
Dans ce genre de compétition, une journée typique commence toujours avec des combattants de niveau intermédiaire, les
Jûryô. Le niveau des
Rikishi (nom donné aux lutteurs au Japon, ceux qu'on appelle à tort
Sumotori) s'élève au cours de la journée jusqu'à voir arriver les
Makuuchi, et peut être même certains
Yokozuna (le rang suprême). C'est finalement une bonne chose d'être arrivé si tôt. La salle est vide, on peut facilement s'approcher à quelques mètres du ring et vivre pleinement les combats (et aussi prendre des belles photos :D).
Deux jeunes combattants (Jûryô), se préparent au combat sous l'oeil attentif de l'arbitre (Gyôji) et des juges (Shinpan).En approchant le dôme d'argile (dohyô), on peut vivre pleinement le combat et assister à des chutes souvent spectaculaires ... ... voire même dangereuses pour ceux qui s'en approchent trop !
Le niveau n'est peut-être pas des plus fulgurants, mais nos yeux de néophytes ne font pas la différence. Cela nous permet au passage de nous familiariser avec les règles et autres cérémonials qui précèdent et suivent chaque combat.
Avant l'entrée en scène des lutteurs, le yobidashi (sorte de crieur public) apelle les opposants à se présenter sur le dohyô (ring) avec son grand éventail, en annonçant leur nom, grade, pays d'origine et nom d'équipe.
Avant le combat, on assiste à un étrange ballet de rituels shinto afin de préparer mentalement les Rikishi au choc du combat. En premier lieu, plusieurs Shiko, grand écran écart jambe en l'air en appui sur l'autre jambe, avant de se laisser retomber de tout son poids sur le sol pour chasser les mauvais esprits. Ca paraît pas sorcier, mais essayez vous verrez c'est pas facile !
Le Shinko, préparation physique et mentale au combat, chasse les mauvais esprits et fait surtout trembler le dohyô et les spectateurs.
Ensuite, on assiste (mais pas toujours, ça doit dépendre des lutteurs) à un autre cérémonial où le lutteur reçoit une coupelle d'eau de la part d'autres combattants, avec laquelle il se rince la bouche avant de se sécher avec une feuille de papier. Puis le lutteur jette une poignée de sel sur le sol en argile, avant de s'accroupir face à l'adversaire en présentant ses paumes vers le ciel tout en le fusillant du regard, un peu comme pour dire "regarde j'ai pas de bâton ni de tazzer, je vais te battre comme un homme, un vrai".
Attendez c'est pas fini ! Le processus se répète plusieurs fois, toujours interrompu par le Gyôji (arbitre) qui annonce avec son éventail que le combat ne commence pas encore. On sent la tension monter entre les Rikishi au même rythme que l'impatience du public. Finalement, l'éventail se lève. Le combat commencera quand les 4 poings seront posés au sol. Un poing, puis deux, trois et ..... quatre le combat commence enfin !
Attention, on ne rigole pas avec les règles ! Un Rikishi qui se lance au combat avant que les quatre poings soient au sol risque 10.000¥ d'amende !
Les règles du combat sont très basiques. Tout lutteur qui touche l'intérieur du cercle sacré avec autre chose que la plante des pieds, ou sort du dit cercle, est éliminé. Même si certains combats sont spectaculaires, la plupart ne durent guère plus de 5 secondes ! Vous l'aurez compris, on a beau se passionner pour le long cérémonial des premiers matchs, le 154 ème commence à être lassant, et la frustration laissée par des combats de 3sec après 10 min d'attente est palpable.
Que nenni, le plaisir est entretenu par les différentes animations tout au cours de la journée ! Après avoir snobbé les catégories inférieures toute la matinée, le public et la télé se pointent sans vergogne vers 15h. Après avoir presque caressé le dohyô, il est maintenant temps de regagner nos gradins à 4000¥ tout en haut du palais. La salle se remplit peu à peu pendant les combats de Jûryo et l'ambiance atteint son apogée avec le Musuchi-no-ichiban (dernier match de la journée). Entre temps, on assiste au Makuuchi dohyô-iri, cérémonie de présentation des lutteurs de la plus haute division. Les Makuuchi, vétus d'un grand tablier haut en couleur, paradent en cercle sur le dohyô.
Le Makuuchi dohyô-iri ou la parade des Makuuchi
Malheureusement, aucun Yokozuna n'est programmé aujourd'hui, nous n'aurons pas la chance d'assister à leur cérémonie d'accueil, le Yokozuna dohyô-iri. Tant pis !
Entre temps, nous en avons profité pour nous installer dans un des box plus près des combats (et plus chers aussi ;D), vu que certains sont encore vides et ne se rempliront probablement plus. Les box sont des enclos où on peut s'installer à 4 assis sur des coussins. Les Japonais y viennent pour passer la journée entre amis où en famille, et ramènent tout se qu'il faut pour se mettre bien. C'est marrant d'ailleurs, beaucoup ne prêtent aucune attention aux matches, un peu comme s'ils mangeaient chez eux devant une télé allumée que personne ne regarde. Au Japon, aller voir des combats de Sumo, c'est surtout un prétexte pour passer un bon moment ensemble et s'adonner au kuidaore, le délice épicurien de jouir sans limite des plaisirs de la table :D.
Les matchs s'enchaînent, l'ambiance devient de plus en plus électrique. Des groupies (souvent des ados ou des mamies) s'égosillent à l'arrivée de leur chouchou. Nous aussi, on se met à brailler quand on voit arriver un Gaijin (étranger). Bon il se fait sortir direct, mais c'est bien tenté quand même. On apprendra plus tard que c'était le bulgare Kotooshu, qui n'est personne d'autre que le futur vainqueur du tournoi !
Un des lutteurs Makuuchi en train de se faire corriger. Attention dessous, ça va faire mal !
Après une heure effrénée de défilement de stars et de matchs endiablés, la fin de journée approche. Un gars devant nous, bien bourré apparemment, se met à balancer des coussins dans tous les sens. On se dit que c'est juste un ivrogne qui fout le b****l, mais on apprendra plus tard que c'est un geste classique des supporters déçus par la défaite de leur
Rikishi favori ...
Le jeteur de coussins fou, peu après la défaite de son Rikishi préféré.
Enfin, le Yumitori-shiki (danse de l'arc) vient clôturer une journée riche en émotions.
Voila chers lecteurs, vous connaissez maintenant l'histoire du Bon parti voir les Brutes avec les Truands. Le Bon vous donne d'ailleurs rendez-vous très prochainement pour la suite d'un week-end haut en couleur :D